Le président du Kirghizistan, Sadyr Japarov, a signé une loi renommant la ville de Djalalabad, dans la province de Djalalabad, en Manas. L’annonce a été faite par le service de presse du chef de l’État.
La loi sur le changement de nom a été adoptée par le Jogorku Kenesh (parlement du Kirghizistan) le 10 septembre. Le document entrera en vigueur dix jours après sa publication officielle.
Comme l’a expliqué le service de presse, l’objectif du changement de nom est de renforcer l’idéologie nationale et de perpétuer la mémoire du héros épique Manas, qui symbolise la lutte du peuple kirghize pour l’indépendance et la protection contre les menaces extérieures. L’initiative de renommer la ville est venue des députés du kenesh (conseil) municipal de Djalalabad et du maire Ernisbek Ormokov.
La question du changement de nom a été discutée à la hâte et en plusieurs étapes, note Kaktus.media. Le 3 septembre, les députés du kénès municipal ont approuvé à l’unanimité la proposition du maire. Le 5 septembre, le projet de loi a été publié sur le portail unique de discussion publique. Dès le 9 septembre, la commission parlementaire compétente l’a examiné en urgence et l’a approuvé en trois lectures. Le lendemain, le 10 septembre, la loi a été adoptée par le Jogorku Kenesh, et le 17 septembre, elle a été signée par le président.
En raison du changement de nom, les institutions publiques et les organisations privées devront remplacer leurs documents officiels, leurs cachets et leurs enseignes. Selon les estimations préliminaires de la mairie, ces changements coûteront au moins 15 millions de soms (150 000 euros environ).
Toutefois, comme l’a déclaré le directeur de l’Agence nationale pour la fonction publique et l’autonomie locale, Kudaibergen Bazarbaïev, les habitants de la ville continueront à être appelés « djalalabadiens ».
ℹ️ Djalalabad (Jalal-Abad) a été fondée à la fin du XIXe siècle en tant que kishlak (village) dans la vallée de Fergana. De 1870 à 1936, la ville porte le nom Jalal’-Abad. La date officielle de fondation de la ville est octobre 1877. Aujourd’hui, Djalalabad est le centre administratif de la province de Djalalabad et la troisième ville du Kirghizistan en termes de population, derrière Bichkek et Och. Selon les données officielles, la ville compte plus de 184 000 habitants.
Manas est le personnage central de l’épopée du même nom, considérée comme le principal monument de la création orale populaire kirghize. L’épopée compte plus d’un demi-million de vers et est inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
ℹ️ La question du changement de nom de la ville a suscité un débat public dans le pays. Selon Kaktus.media, de nombreux habitants de Jalal-Abad ont déclaré que cette nouvelle les avait surpris et ont exprimé leur désaccord avec cette décision. Selon eux, ils ne savent pas comment faire connaître leur position aux dirigeants du pays, qui ont le dernier mot.
L’ancien Premier ministre Felix Kulov a qualifié l’adoption de la loi de précipitée et a proposé de renforcer le statut de la ville, par exemple en y transférant le parlement et d’autres organes étatiques, à l’instar de la pratique de séparation des fonctions capitales aux Pays-Bas ou en Afrique du Sud.
Le politologue Medet Tylegenov a souligné que la décision de renommer la ville s’inscrivait dans une série de changements symboliques opérés par les autorités en peu de temps. Selon lui, ces mesures visent à maintenir une activité informationnelle constante, mais sans programme de développement clair ; elles peuvent conduire à une diminution de la valeur symbolique du nom de Manas et renforcer les contradictions interrégionales.
« D’un autre côté, le changement de nom de Djalalabad est une démonstration de pouvoir. Les gens peuvent se demander : “Pourquoi changer le nom de la ville ?”, et la réponse des autorités sera simple : “Parce que nous le pouvons”. Cela montre que n’importe quelle décision peut être prise en quelques jours, même si elle n’a pas été discutée au préalable », a conclu le politologue.